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Hospitalités sportives, sponsoring et politique cadeaux

28/09/2020
L’Agence Française Anticorruption revoie sa position et publie son Guide pratique

Plus d’un an après la publication d’un projet qui avait été soumis à la consultation publique, l’Agence Française Anticorruption (aussi appelée AFA) publie enfin son guide pratique « Politique Cadeaux et invitations dans les entreprises, EPIC, associations et fondations ».

L’AFA, créée par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, contrôle la mise en place des programmes de prévention de la corruption auxquelles les groupes de plus de 500 salariés et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires sont aujourd’hui soumis, sous peine d’amendes prononcées à l’encontre des entités et de leurs dirigeants. Pour orienter les entités soumises, des recommandations ont été publiées au Journal Officiel en 2017 et depuis, des guides pratiques sont régulièrement publiés.

Dans un contexte économique sans précédent pour la filière sportive et en pleine crise sanitaire affectant tant les industries du sport, de l’évènementiel et de l’hôtellerie ou la restauration, l’AFA semble avoir pris la mesure et rappelle que les cadeaux et invitations « sont des actes ordinaires de la vie des affaires et ne constituent pas, en tant que tels des actes, de corruption ».

On est ainsi rassuré car si pour assurer la compétitivité de nos entreprises, il est une nécessité de prévenir la corruption afin d’éviter des exclusions de certains marchés et de sauvegarder la réputation et l’image tant à l’égard des clients que des partenaires commerciaux, une approche trop rigoriste de la « Compliance » risquait d’avoir pour effet pervers la suppression des invitations en loge, des sponsoring d’équipes sportives ou la réduction d’offre de cadeaux d’entreprise à de simples goodies. Et l’écroulement de plusieurs secteurs d’activités pourtant essentiels d’une économie française compétitive…

Sauf à s’imposer « un modèle amish », qui ne semblerait donc pas être celui voulu par nos autorités, l’AFA énonce aujourd’hui les bonnes pratiques des politiques cadeaux et invitations respectueuses des intérêts de chacun.

Comment, pour qui et dans quel but élaborer sa politique ?

Le guide rappelle que la politique cadeaux et invitations doit être mise en cohérence avec une cartographie des risques d’exposition à la corruption et donc ajustée selon les activités de l’entreprise, voire les zones géographiques dans lesquelles elle exerce.

La politique doit préciser qui sont les collaborateurs concernés (mandataires, salariés et collaborateurs occasionnels) et définir des règles précises et illustrées selon qu’il s’agisse d’invitations à des repas, d’hospitalités sportives ou de sponsoring.

Plus important encore, l’invitation ne doit pas avoir pour but de déterminer une personne à faire un acte ou s’abstenir d’un acte précis. Elle doit relever d’une relation publique et commerciale. L’invitation des proches du partenaire est ainsi par exemple à exclure afin de s’assurer du caractère professionnel de la relation.

Faut-il fixer des seuils pour les valeurs des invitations ?

Outre le fait que cela ne soit pas toujours possible (comment valoriser une journée passée sur le Tour de France dans la voiture d’un partenaire ?), l’AFA indique que ce n’est qu’une possibilité mais qu’il peut aussi être décidé de différencier selon des qualificatifs comme « symbolique », « raisonnable » ou « modique », à la condition que ceux-ci puissent être compris des personnes et accompagnés d’illustrations.

Si viser des montants en euros peut paraitre facilement compréhensible à première vue, il est difficile de l’adapter dans des Groupes qui travaillent dans des pays différents et encore moins pour ceux dont les partenaires sont si variés. Peut-on inviter à déjeuner ou à une hospitalité sportive le PDG d’un grand Groupe de la même manière que le collaborateur des services techniques d’une petite commune ? A quel moment peut-on envisager qu’il s’agisse ou non de corruption ?

Il est en réalité plus adapté de faire appel au bon sens des acteurs et de les renvoyer au caractère proportionné de l’invitation ainsi qu’à la vigilance sur le moment choisi (en évitant une invitation en cours d’appel d’offres) et la fréquence de l’invitation ou du cadeau.

Faut-il écrire une procédure spécifique ?

L’AFA précise qu’il est possible de prévoir des cas de déclaration à un supérieur hiérarchique ou sur un registre voire, dans un outil informatique. Elle rappelle également que la mutualisation des cadeaux reçus dans une entreprise peut être favorisée.

En pratique, de telles procédures ne devront être mises en place que si les moyens d’en assurer leur efficacité et contrôle sont possibles, y compris dans le respect de la règlementation applicable à la protection des données personnelles ! Car rien ne serait pire que de prévoir une procédure qui n’est pas respectée, laissant ainsi la place à toutes les suspicions possibles et exposerait aux risques censés être pourtant prévenus.

En revanche, les règles imposées, aussi souples soient-elles, devront être opposables aux collaborateurs en les annexant par exemple au règlement intérieur, et faire l’objet de sanction en cas de non respect.

Et après ?

Enfin, poser les grands principes ne fait pas tout. L’AFA rappelle qu’il conviendra alors de diffuser la politique mise en place pour en assurer sa connaissance et son respect, former les personnels concernés et bien évidemment, contrôler son respect. Les contrôles pourront être effectués à plusieurs niveaux par la hiérarchie, les services comptables et l’audit interne.

Le guide publié par l’AFA est dépourvu de toute portée juridiquement contraignante et ne fait que proposer des pistes pour accompagner les organisations dans la définition de leur politique cadeaux et invitations.

Au fond, ce guide ne fait que rappeler une méthode déjà éprouvée par toutes les entreprises soucieuses d’une amélioration continue et renvoie à la vertueuse Roue de Deming : planifier, développer, contrôler et ajuster.

La démarche la plus efficace afin de prévenir les risques de corruption reste l’anticipation et la promotion d’une culture interne de l’éthique en impliquant toutes les personnes en charge (dirigeants, juristes, responsables des ressources humaines et délégués à la protection des données personnelles mais aussi commerciaux, acheteurs, opérationnels, etc…). Une culture dont il faut toutefois impérativement poser les bases si l’on veut faire de ces nouvelles contraintes une opportunité et un vecteur de compétitivité de nos entreprises.

Caroline Diot Avocat Associé – Directeur de Mission Expert en Protection des Entreprises & en Intelligence Economique.
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