Tous les acteurs de la montagne se sont réunis au SkiDebrief, les 24 et 25 avril à Val d’Isère. Pour faire le bilan de l’hiver et trouver des solutions pour l’avenir.
Par Patricia Rey, à Val d’Isère – Organisé par l’Union sport & cycle, l’événement SkiDebrief invite chaque année les professionnels à se réunir pour dresser un bilan complet de l’hiver, mais aussi à réfléchir aux problématiques de la montagne. Comme le recrutement de nouveaux clients, le thème de cette 9è édition, incontournable sur un marché du ski à maturité qui fait moins rêver les jeunes générations…
Cibler les clientèles internationales
L’enjeu a été rappelé en préambule par Morgan Redouin, vice-président de la commission montagne de l’Union sport & cycle et manageur de la catégorie Sports d’hiver chez Head France : « Le renouvellement des skieurs nous concerne tous. La neige – et cet hiver, elle est tombée en abondance – ne suffit pas. Il faut trouver de nouvelles pistes ! ». Dans un pays comme la France, la conquête de nouvelles clientèles internationale est le premier levier qui vient à l’esprit. Sous les feux des projecteurs, la Chine avec l’organisation des JO de Pékin en 2022. Un formidable vivier, qui représente 300 millions de skieurs potentiels. Selon Agnès Pannier-Runacher, directrice générale déléguée de la Compagnie des Alpes (CDA), le pays « a mécaniquement la capacité à devenir le premier marché de skieurs au monde compte-tenu de sa démographie ». Pour autant, « Ce marché est très important mais il faut l’aborder avec pragmatisme », tempère Michel Vion, président de la Fédération française de ski (FFS). Faire venir les skieurs chinois en France est un vrai challenge. « Nous ne sommes pas perçus comme un pays de montagne… et Chamonix, pour eux, ça se trouve en Suisse ! », explique Agnès Pannier-Runacher. Attention aussi, à ne pas négliger les autres destinations. Il n’y a pas que la Chine, il existe un potentiel énorme de clients en Europe du Nord et de l’Est », assure Nicolas Pelerin, directeur de l’aéroport Chambéry Savoie Mont Blanc.
Pour la CDA, leader mondial des domaines skiables, le succès des stations de ski françaises à l’international passe par le développement en tour operating. Mais pas seulement. « Aujourd’hui le client, qui a le choix d’aller au ski, en France ou ailleurs, doit avoir une offre en phase avec ses attentes », soutient la n°2 de la CDA. Plus généralement, et au-delà de l’Autriche et de la Suisse, « notre premier concurrent est la destination soleil », assène-t-elle . « Si nous voulons fidéliser et attirer d’autres clients, nous devons nous mettre au niveau d’attente de la qualité client d’un séjour au soleil où tout est pris en charge ».
Reconquérir les jeunes
Autre clientèle à séduire : les jeunes, qui aujourd’hui manquent à l’appel. Et pour les attirer dès leur plus jeune âge, rien ne vaut les classes de neige et les colonies de vacances. Mais voilà, elles sont en perte de vitesse et les centres de vacances qui les accueillent tendent à disparaître. « Ces dix dernières années, le nombre de nuitées a chuté, passant de 150 000 à 90 000 », ajoute Annick Cressens, référent classe de neige pour l’Association Nationale des Maires de Stations de Montagne (ANMSM) et maire de Beaufort (73). La faute au trop plein de normes et à la responsabilité qui pèse sur les enseignants. Ces derniers préfèrent souvent rester en classe plutôt que d’initier les enfants aux joies de la montagne et du ski. D’autres facteurs, comme le prix, font pencher la balance. « Une semaine de classe de découverte au ski, c’est 350 euros en moyenne par élève, que la famille doit payer », souligne Nicolas Favre, secrétaire général de la Fédération des oeuvres Laïques de Savoie (Fol 73). « Un pack activité ski (remontées, ESF…) coûte deux fois plus cher qu’un pack voile à la mer », renchérit Eric Lanoé, directeur de l’Association savoyarde des classes de découverte. Les dossiers aussi sont compliqués à monter. Pour Annick Cressens, proposer du ski à la journée et des séjours de proximité est nécessaire pour que les Savoyards découvrent leurs montagnes. Il faut également former, accompagner l’enseignant en créant un guichet unique… « Et surtout, martèle Laurent Reynaud, de Domaines skiables de France, trouver un pilote pour mener ce processus de recrutement stratégique. »
Verbatims
Yannick Morat, dirigeant-fondateur du groupe Frasteya (magasins Sport 2000 et site internet Ekosport), qui a fait quelques opérations de partenariat en Chine : « Les Chinois n’ont pas la même notion du temps… et, contrairement à ce que pense la CDA, je verrai beaucoup plus rapidement les Chinois passer de Chine au Japon et de Japon en Europe. De plus, nous avons des domaines skiables de prestige. Très clairement, la Suisse est pour les Chinois le pays n°1 du ski. Nous avons une image à travailler. Et si on ne s’y met pas maintenant, nous nous ferons rattraper par la vague et ce sera trop tard. »
Michel Vion, président de la Fédération française de ski : « 14 médailles aux JO de Pyongyang, on aurait pu en faire deux à trois de plus, et cela aurait été parfait. De très bons jeux et un hiver satisfaisant. Depuis quatre ans, il n’y a pas un hiver où les records ne sont pas battus, mais aussi en Coupe du Monde. De son côté, la fédération française de ski travaille au renouvellement des skieurs. « Nos champions sont les meilleurs ambassadeurs pour créer des vocations, notamment au travers des clubs. L’organisation de coupes du monde draine les foules. Pour preuve, cet hiver, celle du biathlon au Grand-Bornand a attiré 48 000 spectateurs sur 4 jours, et le Critérium de la 1er neige à Val d’Isère est la course alpine qui compte le plus de spectateurs au monde (ils étaient 120 millions le samedi pour le géant). Parallèlement, la FFS a mis en place un système pour aider les clubs à recruter notamment via le sport santé. pour compléter l’offre des clubs et participer au renouvellement des adhérents. »